Quand la bienveillance n’est plus une option

Incantation ou réalité alternative ?

Lorsqu’avec mon associée, nous avions annoncé à des partenaires éventuels, il y a plus de 7 ans, que nous nous apprêtions à fonder Remix Coworking une communauté basée sur la bienveillance, ils furent partagés entre perplexité et cynisme. Pourtant, aujourd’hui, le terme « bienveillance » est utilisé voire surexploité dans les domaines du développement personnel, du management, des théories économiques entre autres…

Alors ? Parler de bienveillance dans un monde bouleversé et incertain relève-t-il de l’incantation, c’est-à-dire de l’aspiration — illusoire — à lutter contre une réalité beaucoup trop dure ? Ou bien est-ce l’expression d’une autre façon de voir le monde, un monde nouveau, qui fonctionne avec de nouvelles règles, qui émerge, mais que beaucoup ne voient pas encore ?

Credit : Laure Bernard

Se transformer…

Matthieu Ricard définit la bienveillance comme le fait « d’accorder de la valeur à l’autre, se sentir responsable et solidaire de son sort ». Selon Wikipedia, la bienveillance est la disposition affective d’une volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui.

Nous parlons donc d’altruisme. Cela implique d’après nous une succession d’étapes :

- Avoir conscience que l’autre est là, et qu’il ou elle est important-e

- S’intéresser à lui, entrer en contact, sincèrement

- Vouloir que cela « marche » pour lui comme l’on veut que cela « marche » pour soi

- Ouvrir son esprit, parfois son coeur… Être authentiquement et sans calcul, en empathie

- Être prêt à donner … comme à recevoir

- Communiquer régulièrement, partager et avancer ensemble

La bienveillance n’est pas qu’une disposition statique, elle est aussi dynamique et transformationnelle.

Agir de façon altruiste nous change, nous pousse à aller vers l’autre en brisant parfois nos préjugés, à sortir de notre zone de confort en nous confrontant à de nouveaux modes de pensées et d’action, et nous fait donc évoluer.

La bienveillance vient aussi en rupture avec l’égocentrisme qui préside dans le monde d’avant. Loin des perceptions cyniques, elle est l’un des symboles du monde qui émerge.

Et transformer le monde

La bienveillance implique ainsi le réapprendre à vivre ensemble. Et quand l’on se demande « pourquoi parle-t-on tant de bienveillance en ce moment ? » nous voyons qu’outre son aspect transformationnel et vertueux au niveau personnel, elle est le révélateur d’un point de basculement; celui entre le monde d’avant et le monde d’après.

Les répercussions sont nombreuses, en voici quelques unes :

- Le monde était vertical, hiérarchique et bâti sur le rapport de force, il est horizontal, fondé sur la notion d’accompagnement et de partage (ce qui n’empêche d’ailleurs ni les règles, ni la notion d’autorité, mais c’est un autre sujet).

- « Moi je » passait avant tout quitte à faire de gros dégâts pour se hisser sur le devant de la scène, le collectif va désormais passer devant car il n’est plus tenable de refuser de prendre en compte les personnes autour de nous ou même de leur nuire délibérément.

- Les postures marketing ou politiciennes nous glissent « littéralement » dessus. La bienveillance devient une clé de décryptage du monde. Et quand ce monde est faux, artificiel ou utilise en somme les recettes du monde d’avant, nous n’y adhérons tout simplement plus. Au passage, l’on comprend pourquoi l’abstentionnisme est si fort. Qui croit encore au leader providentiel franchement ?

Credit : Laure Bernard

Car nous n’avons plus le choix

Comprendre la bienveillance comme une disposition vertueuse pour chacun et structurante pour la société est un premier pas.

Il faut aussi faire face à notre monde brutal et quasi-cataclysmique et savoir accepter :

- Que la croissance infinie est une lubie du monde d’avant, tout simplement parce que nous avons compris que les ressources, elles, sont limitées et qu’il faut une croissance raisonnée. Croissance de toute façon structurellement faible désormais dans nos sociétés occidentales.

- Que la fulgurante innovation nous rend bien des services mais s’apprête aussi à nous remettre en question.

- Que la précarité n’est plus une crainte lointaine mais notre quotidien, en tant qu’indépendants et startups, certes, mais aussi en tant que salariés.

- Que l’Etat, tente de se débattre pour faire le minimum et qu’il a déjà du mal.

- Que les élites vivent encore dans le monde d’avant, qui n’est pas notre monde. La déconnexion est réelle.

- Que nous cumulons des crises idéologiques, militaires, économiques, budgétaires et écologiques.

La tableau est grave certes, mais l’espoir est là : il y a une réelle prise de conscience à l’échelle mondiale de notre interdépendance. C’est la première étape vers la bienveillance à une échelle plus générale.

Des communautés construites sur le lien, la bienveillance et l’authenticité émergent, se développent très rapidement et commencent à se mobiliser, partout dans le monde. Nous commençons à comprendre que nous pouvons redonner du sens à notre action, qu’il n’y a pas grand chose à attendre « d’en haut », mais que nous pouvons à nous tous, fabriquer un avenir meilleur. El il y a des exemples qui illustrent cela, pensons à Détroit ou à Medellin.

Pendant que le monde d’avant vit de violents soubresauts, et que beaucoup s’y accrochent encore désespérément, nous pensons et construisons le monde d’après. Mais ce monde n’existera pas sans bienveillance.

Anthony Gutman

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